La question de l’existence du mal et de la souffrance

Il y a quelques années, j’ai donné des conférences à l’université de Nottingham, en Angleterre. À peine avais-je terminé mon exposé qu’un étudiant bondit de sa chaise pour lancer une attaque en règle contre Dieu. J’ouvre ici une parenthèse. C.S. Lewis nous rappelle qu’il n’y a rien d’aussi auto-destructeur qu’une question qui n’a pas été suffisamment mûrie avant d’êre posée. Mon interlocuteur allait être terrassé par sa propre question.

“Compte-tenu du mal et de la souffrance dans le monde, il est impossible qu’il  y ait un Dieu”, déclara-t-il.

Je lui demandais s’il acceptait que nous discuttions quelques instants de ce problème.

Il acquiesça.

“En déclarant qu’il y a beaucoup de mal, n’êtes-vous pas en train d’affirmer l’existence d’une réalité qui serait le bien ?”

— Si, répondit-il.

— S’il existe une entité que vous appeler “bien”, vous devez également admettre une loi morale qui vous permet de différencier le bien du mal.

— Oui, dit-il d’une voix faible et mal assurée.

C’était un point important. La plupart des sceptiques n’y ont pas prêté l’attention qu’il mérite. C’est pourquoi je rappelai à mon interlocuteur la controverse qui avait opposé le philosophe athée Bertarnd Russel au philosophe chrétien Frédéric Copleston. Lors de ce débat, Copleston avait demandé à Russel s’il croyait à l’existence du bien et du mal.

— “Oui”, avait répondu l’athée.

— Comment faites-vous pour les différencier ? avait alors demandé le chrétien.

— De la même façon que je différencie les couleurs.

— Mais vous distinguez les couleurs entre elles au moyen de la vue, n’est-ce pas ? Comment faites-vous pour différencier le bien du mal ?

— En me fiant à mes sentiments. Sur quoi d’autre ? répondit Russel agacé.

Quelqu’un aurait dû à ce moment-là rétorquer au philosophe athée que dans certaines cultures, les gens aimaient leur prochain, et que dans d’autres, ils les mangeaient. Dans les deux cas, c’était sur la base des sentiments. Monsieur Russel aurait-il préféré un traitement à l’autre ?

Au nom de quelle raison peut-on justifier la différenciation entre le bien et le mal sur la base des sentiments ? Les sentiments de qui ? Ceux d’Hitler ou ceux de Mère Thérésa ? En d’autres mots, il doit bien exister une loi morale, un étalon qui sert de référence pour dire que ceci est bien et cela mal. Comment distinguer le bien du mal autrement ? Mon interlocuteur reconnut le bien-fondé de ma remarque.

Permettez-moi de résumer jusqu’où cet étudiant anglais était arrivé. Je lui avais demandé s’il admettais l’existence du bien et du mal. Il avait répondu affirmativement. Puis je lui avais fait remarquer que s’il croyait en l’existence du bien et du mal, il devait nécessairement supposer l’existence d’une loi morale permettant de différencier les deux. De Nouveau, il avait été d’accord.

“Or, l’existence d’une loi morale implique l’existence d’un législateur moral. C’est justement ce que vous cherchez à nier, et non à prouver ! Sans législateur moral, pas d eloi morale. Sans la loi morale, pas de bien. Sans bien, pas de mal. Quel est donc le sens de votre question ?”

Il y eut alors un silence pesant que le jeune homme rompit en déclarant d’un air penaud :

“Que suis-je donc en train de vous demander ?”

Le côté humoristique de la situation n’échappa à personne. Mon interlocuteur était visiblement désemparé. Il venait de découvrir que sa question comportait une présupposition qui contredisait sa conclusion. C’est pourquoi j’ai dit plus haut que le sceptique doit non seulement répondre à sa question, mais la justifier. Quand les rires cessèrent, je dis à l’étudiant qui m’avait interpellé que j’acceptais cependant de bon cœur sa question, car elle confirmait mes présuppositions qu’il existait un univers moral. Si Dieu n’est pas l’auteur de la vie, les termes “bien” et “mal” n’ont aucun sens.

L’athée qui pense avoir fait une brêche dans la logique chrétienne en posant la question du mal tombe en fait dans la fosse qu’il a creusée. Sa question met en lumière une présupposition cachée. Ce qui nous amène à placer le sceptique au pied du mur : de quel droit soulever un problème moral s’il n’y a aps d’univers moral ? À partir du moment où nous utilisons le mot “mieux”, déclare Lewis, nous supposons un point de référence. Mieux par rapport à quoi ?

Dans le même ordre d’idées, nous soulevons une question très légitime en demandant comment l’univers peut sembler immoral s’il ne repose pas sur une base ou une raison d’être morale. Ceux qui posent la question de l’existence du mal doivent se rendre compte que le chrétien propose une réponse cohérente, alors que l’athée est obligé de résoudre la question du mal (qui est d’ordre moral) dans un univers qu’il déclare à priori amoral. Il est donc impossible de résoudre le problème du mal en décrétant l’inexistence de Dieu. C’est au contraire en intégrant le concept de l’existence de Dieu que l’homme peut espérer trouver une réponse à cette angoissante question du mal et de la souffrance.

Ravi Zacharias, extrait « les cris du cœur », éditions Farel

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